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CHARLOTTE S'EN VA-T-EN MER

Les Marins sont formidables

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04/11/2020

Merci à François Jouannet pour la transmission de cette belle information. Nous souhaitons à Charlotte Sau une belle et passionnante carrière maritime.


Charlotte Sau met en stand-by sa formation de chef mécanicien pour poursuivre un embarquement d'été sur le Bag Kevell, caseyeur hauturier de Roscoff.



Martial Olivier l’avoue volontiers devant elle, et ils en rigolent tous les deux, quand ils évoquent ce souvenir, à quai à Camaret, fin août.

« Quand je l’ai vu arriver, poids plume avec sa casquette de rappeur et son débardeur, je me suis dit, mais qu’est-ce qu’on va faire avec elle ! ».



Le patron Martial Olivier ne savait vraiment pas à quoi s'attendre lorsque Charlotte Sau a embarqué (Photo : Lionel Flaguel)


A 52 ans, dont 30 ans de pêche aux casiers, le patron - et copropriétaire avec Beganton - du caseyeur hauturier Bag Kevell, en a vu défiler des matelots. La dernière fois qu’il avait embarqué une femme, mécano, sur son ancien caseyeur, I’Intron Varia, cela s’était terminé par un hélitreuillage en urgence, suite à un malaise, dès le premier jour de mer…Il était donc soucieux Martial, quand Charlotte Sau a posé son sac, pour un embarquement d’été.

Des craintes infondées…En effet, bonne pioche cette fois, selon le morlaisien qui ne tarit plus d’éloges sur la jeune femme de 22 ans, sa nouvelle chef mécano depuis août, qui en rougirait presque, en attendant l’appareillage.



Charlotte a grandi en passant beaucoup de temps sur le voilier de son grand père, et a fait par moment l'école buissonnière. La voilà mécanicienne! (Photo : Lionel Flaguel)


Le bateau de 22 m en bois, de 31 ans, ex-Steren Mor, complètement rénové en 2018 au chantier Tanguy de Douarnenez, parti de Roscoff, son port d’attache, avait dû relâcher à Camaret. La dépression passée, il fera cap sur le golfe de Gascogne,  au banc de la Chapelle, pour une marée d’une semaine, avec un millier de casiers à crabe à travailler par jour, par filière d’une centaine de casiers.

Charlotte n’est pas arrivée là par hasard, même s’il y a eu un concours de circonstance. Élève chef mécano en première année à l’Hydro de St Malo, elle avait été recrutée chez Bourbon offshore, pour l’été au Cameroun. Tout est annulé en avril, Covid oblige. Puis un collègue de promo la met en relation avec Morgan, le second du Bag Kevell. Deux coups de fil plus tard, la voilà embarquée comme second mécano, à priori juste pour l’été. Pour engranger de la navigation, nécessaire à la validation de son diplôme, et surtout pour financer ses études.

« Première fois que je mettais les pieds sur un bateau de pêche… A l’école, on n’avait fait qu’une semaine sur un ferry de la Brittany » relate la jeune femme, avec un léger accent méridional.



Le Bag Kevell est équipé d’un moteur bridé à 250 KW (Photo : Lionel Flaguel)


« Je suis du sud, je suis venu au lycée maritime de St Malo, après mon bac S scientifique, pour faire l’année de préparation au concours de l’ENSM, où j’ai été reçue troisième sur 68. Jamais autant bossé à l’école que cette année de bachotage, mais j’étais motivée, à donf ! » poursuit-elle.

L’envie irrésistible de mer, et le goût de la mécanique, elle l’a eu toute gamine avec Michel Antonioli, son grand-père maternel, officier mécanicien dans la marine marchande, qui vivait sur un voilier, à Marseille.

« Je suis parti 6 mois avec lui, quand j’avais 8 ans, on a fait le tour de la Méditerranée, j’avais loupé l’école, génial ! ».



Construit en 1989 par les Charpentiers Associés chantier de Léchiagat, l'ex-Steren Mor a été complètement rénové en 2018 au chantier Tanguy de Douarnenez (Photo : Lionel Flaguel)


Charlotte avoue ne pas aimer être enfermée dans une classe d’école, même si elle est brillante, elle a fait pas mal l’école buissonnière au lycée… Elle préférait aller bricoler sur le bateau de son grand-père, ou réparer les motos de sa mère et des copains.

« Un moteur de bateau, comme un bon vieux Volvo du Bag Kevell, c’est simple. Il faut aussi s’occuper de la grosse pompe du vivier, mais ça va, une fois que tu as compris le fonctionnement des vannes. En fait, tu passes peu de temps à la machine. Par contre, le métier du casier, au début, tu en baves grave … J’ai commencé à la boëtte (raie), mais je fais les autres postes de pont, sauf saigneur, j’y arrive pas bien. A la réception, tirer les crabes des casiers, j’adore, même si c’est plus physique » explique-t-elle.



Les craintes du patron étaient infondées puisque Charlotte s'est très vite adaptée à la vie à bord d'un crabier (Photo : Lionel Flaguel)


Les crabiers bretons ne travaillent pas comme les anglais : ils suivent les déplacements du tourteau, nomade, et mouillent des casiers assez légers, de 12-15 kg. Il n’empêche, le travail est rude à bord d’un caseyeur hauturier.

Après la première marée de 10 jours, début juin, elle avait dû s’arrêter à une supérette pour acheter deux canettes de soda fraîches : il fallait soulager ses mains, complètement crispées, pour pouvoir conduire sa voiture, pour rentrer chez elle à St Malo. Sur les crabiers, les problèmes d’articulations aux mains sont assez fréquents.



Charlotte avait dû trouver par elle-même un embarquement à la pêche, après l'annulation en avril de son recrutement, pour l'été, chez Bourbon offshore, suite au Covid (Photo : Lionel Flaguel)


Et son appétit s’est affûté en mer : «  Moi qui ne mangeait rien le matin, j’ai fait 5 tartines de Nutella le deuxième jour, pour tenir le coup, avant le seul vrai repas, le soir. Après tu dors comme une masse, branle-bas à 3 h, et c’est reparti ! Alors quand le mécano est parti à mi-marée, suite à un incident, j’ai proposé de le remplacer, et là je reste, ça se passe très bien avec l’équipage, respectueux et solidaire. Je suis dérogataire, et j’irai passer le brevet 250 Kw en janvier ».

Le moteur du Bag Kevell est bridé à cette puissance. Il devient difficile de trouver des chefs mécanos suffisamment diplômés pour aller sur des caseyeurs avec des moteurs plus puissants. A la pêche hauturière, ils préfèrent aller au chalut, plus rémunérateur, et moins épuisant.

Après un léger mieux en 2019, les caseyeurs hauturiers bretons sont à nouveau en 2020 dans une année de pêche très moyenne, pour ne pas dire insuffisante. Que ce soit en Manche ou dans le golfe de Gascogne. Et les problèmes de marché liés au Covid n’ont pas arrangé la situation, les prix moyens en ont souffert.


Source : mag.hookandnet.com







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