ÉDITO 2021

L ’année dernière, dans ce même éditorial, je vous faisais part d’une année chargée en actualités. 

Et elle le fut… hélas ! Ce n’étaient pas les actualités prévues et nos inquiétudes d’hier nous apparaissent désormais dérisoires devant les défis auxquels nous devons faire face. 

La menace sanitaire qui pèse sur tous depuis désormais près d’un an nous a éloignés physiquement les uns des autres. La proximité sociale si indispensable à notre bien-être a fait place à la distanciation sociale, devenue physique, afin de se protéger et de protéger autrui. Le monde maritime a payé en silence un lourd tribut à cette crise. 

En premier lieu, les marins bloqués sur des navires pendants des mois, sans aucune visibilité sur la date de leur libération. Les marins, qui faute d’embarquements se sont retrouvés privés de revenus, pour certains depuis plus d’un an. Ces héros de l’ombre ont contribué à maintenir les chaines d’approvisionnement au prix de nombreux sacrifices. Leur statut de travailleurs clés ne doit pas être occulté et il ne peut pas se résumer à quelques mots. 

De nombreux drames ont eu lieu, une vague de suicides sur des navires de croisières, des accidents maritimes directement imputables aux durées d’embarquement excessives et des marins plongés dans la précarité. 

En second lieu, l’activité économique du transport maritime, fortement impactée. Les armateurs ont subi de face les fermetures des frontières, les confinements et les conditions de travail à bord plus difficiles. Il en a résulté, des armateurs lourdement impactés, désormais endettés et toujours sans visibilité. 

Que penser de la politique de la France dans ce contexte? 

«La politique me fait l’effet d’un immense cabestan auquel sont attelés un grand nombre d’hommes pour soutenir une mouche.» Georges Clemenceau 

Nous ne pouvons que nous désoler du manque d’actes forts de la part du gouvernement dans le soutien de sa filière maritime. 

Paris serait-elle une ville si éloignée de la mer qu’elle en oublie les enjeux ?

 Cette année, notre pays a payé son abandon de nombreuses filières industrielles, que ce soit la fabrication de molécules, créant des pénuries sur des médicaments ou la filière textile, qui aurait pu fournir en masques et en blouses notre personnel médical.

 Notre pays, nos gouvernants, ne doivent pas oublier l’importance de la mer. C’est par la mer que 80 % des échanges intercontinentaux s’effectuent. Sans la mer, pas d'import ni d'export, sans la mer, pas de transition écologique, sans la mer, il n'y aurait jamais eu de vie sur la Terre. 

Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre les compétences maritimes dont nous disposons, que ce soit la pose ou la maintenance des câbles sous-marins, la navigation polaire, l’industrie offshore, la sécurité maritime, le SHOM, la construction navale, etc… 

Si vous écoutez certains élus, éloignés du monde maritime, ils vous diront qu’il y aura toujours des Philippins, des Indiens, des Ukrainiens, etc… pour effectuer ces tâches. 

Perdre l’expertise de la mer qui ne peut s’acquérir qu’en naviguant c’est aussi perdre notre capacité future à avoir une politique maritime cohérente et efficace. 

L’Amiral Pierre-François Forissier a très bien exprimé l’importance de la mer ainsi que la singularité des hommes de mer et de leur rôle à jouer dans la gouvernance des océans. 

« Nous sommes près de 7 milliards d’habitants sur une île qui ne représente que 30% de la surface de la planète. Nous sommes donc entourés par l’océan mondial, la planète mer. La mer est un milieu global qui ne peut être sectorisé. Dans ce milieu hostile et sans cesse en mouvement, il nous faut évaluer la menace et assurer la sécurité de l’ensemble du spectre, cela sans territorialiser la mer, sans adopter nos habitudes terrestres à la gestion des crises maritimes. C’est donc aux hommes de mer, aux marins, qui sont porteurs d’une culture spécifique, qu’il revient de s’impliquer dans la mise en place d’une gouvernance accrue des océans.  » Amiral Pierre-François Forissier, Chef d’état-major de la Marine, 2010 

Je profite de cet interlude pour vous faire part de ma déception lorsque j’ai appris la disparition (temporaire  j’espère ?) de la Préparation Militaire Supérieure Marine Marchande pour des raisons budgétaires. Les liens historiques de la Marine Nationale avec la Marine Marchande doivent être protégés et renforcés. La Préparation Militaire Supérieure Marine Marchande participait à ce lien. 

J’espère que la crise de la COVID en France aura le mérite de faire prendre conscience de l’importance pour une nation de maitriser ses domaines stratégiques. 

Marins, associations, organisations professionnelles et syndicales, nous ne devons jamais cesser de répéter que le maritime est un domaine stratégique avec des compétences qui ne doivent pas être abandonnées ou perdues.

 2021 après la tempête : 

Après la crise sanitaire évoquée précédemment, nous allons devoir faire face à une crise économique importante. L’ensemble du monde maritime a su faire preuve d’adaptation, de réaction très rapide et de cohésion. 

Les armateurs français ont effectué leurs transformations en une vitesse record. 

CMA-CGM a su démontrer une maturité qu’aucun expert n’avait prédite. En dépit d’une baisse de son chiffre d’affaires de 9 %, CMA-CGM a su accroitre grandement sa marge opérationnelle. Elle a sécurisé sa trésorerie par un prêt de 1,05 milliard d’euros et traversé la crise du Coronavirus avec une sérénité que beaucoup lui envient. Elle est même en passe de reprendre sa troisième place mondiale que lui avaient ravie les Chinois. 

Bourbon est enfin sorti de son redressement juridique le 14 décembre 2020, sa dette de 2,6 milliards a été réduite à 1 milliard d'euros à la suite d'un accord avec ses créanciers. 

Si l’État joue son rôle et tend la main aux armateurs à genoux pour les aider à se relever, alors je n’ai aucun doute qu’ils en ressortiront plus solides et mieux préparés que jamais pour l’avenir. 

La création d’un Ministère de la mer est un signal positif dans cette tempête et nous espérons que ce ministère se verra progressivement doté des prérogatives et des moyens nécessaires au redressement de notre économie maritime. 

HYDROS :

Notre association a vu pour la première fois s’écouler une année entière sans qu’une AG en présentiel n’ait eu lieu. Nous avons réussi à nous adapter et à tenir finalement cette AG en visioconférence. Je garde l’espoir que d’ici fin 2021 nous puissions nous réunir physiquement.

 Nous avons eu un creux d’activités au début du confinement, mais par la suite, l’ensemble du tissu associatif maritime a su s’adapter à la crise et de nombreuses conférences et réunions ont pu se tenir à distance. 

Notre plateforme web est opérationnelle et permet de centraliser les informations. 

Nous avons renoué des liens avec Jeune Marine et participé à nouveau à leur revue, j’en remercie grandement Aymeric Avisse. 

L’ensemble du bureau et du CA a su se mobiliser et conserver le lien entre nous. 

Nous remercions les membres à jour de leurs cotisations. Sans ces cotisations nous ne pourrions pas financer les MMI, la plateforme, les bourses HYDROS ainsi que nos participations à différents événements. 

Cette année, nous n’avons pas eu suffisamment d’adhérents cotisants. Cela fut heureusement compensé par un nombre de déplacements très limité et donc des frais réduits par rapport à une année normale. 

C’est pour cette raison que de plus en plus d’exclusivités vont être réservées sur la plateforme aux membres qui sont à jour de leur cotisation. Pour en citer quelques-unes, des réductions aux abonnements de la revue Mer et Marine, la rubrique vidéos, les MMI en haute définition, etc...

D’autres avantages seront dédiés aux membres cotisants à l’avenir. 

Notre association a fait le choix depuis des années de vivre et fonctionner uniquement grâce aux cotisations de ses adhérents sans aucune aide de l’État ou de toute entité extérieure. 

Pour que ce choix reste viable, il faut que vous veilliez à vous tenir à jour de vos cotisations. 

Nous avons tout mis en œuvre pour simplifier le paiement des cotisations : 

https://hydros-alumni.org/contribution/ index/choice 

En dépit du ton grave de cet éditorial, c’est plein d’espoir en l’avenir que je vous souhaite à toutes et tous, ainsi qu’à vos proches, une belle année 2021. 

Maritimement votre, Bastien Arcas Président d’HYDROS