DEVELOPPEMENT ET EVOLUTIONS DU MOTEUR PIELSTICK PA4, PAR PIERRE-YVES LARRIEU

Développement et évolutions du moteur Pielstick PA4

Par Pierre-Yves Larrieu, Professeur de l’Enseignement Maritime (er) 

1. Présentation de la SEMT Pielstick

En 1946, la Société d'étude des machines thermiques (SEMT) fut créée, avec à sa tête, l’ingénieur motoriste allemand Gustav Pielstick et son adjoint Leonard Geislinger, pour satisfaire les besoins en moteurs Diesel de propulsion des chantiers navals français. Cette société reposait en partie sur le savoir faire allemand, puisqu’il s’agissait d’adapter le moteur Diesel MAN 40/46 qui équipait les U-Boot de la Kriegsmarine.

Les premiers moteurs sont développés en 1951 et rencontrent rapidement le succès. La compagnie fournit quasiment tous les navires de la Marine Nationale. Grâce à une politique assumée de construction sous licence, les moteurs Pielstick se répandent dans le monde entier, tant en propulsion navale civile que pour les chemins de fer ou les centrales électriques.

En 2006, la SEMT Pielstick est absorbée par MAN Energy Solutions, qui en arrête le développement. La marque est cependant conservée et la production des moteurs se poursuit, en particulier sous licence. Certains modèles continuent même à évoluer.

Le moteur Diesel 4 temps Pielstick PA4 est lancé à la fin des années 1950. Léger et compact, il a équipé de nombreux navires, tant militaires que civils, et de très nombreuses locomotives. Des versions dérivées et/ou construites sous licence sont toujours commercialisées.

2. Le moteur Diesel 6L Pielstick PA4-185

La version 6 cylindres en ligne a été produite, plutôt à destination de la traction ferroviaire, mais elle a aussi équipé plusieurs petits navires en tant que moteur de propulsion. Une version « couchée » de ce moteur, avec donc les 6 cylindres à plat, a été produite à destination spécifique de la traction ferroviaire.

La conception d'ensemble de ce modèle est très classique :

• Il bénéficie d'une suralimentation par impulsion et est doté d'un aéroréfrigérant ;
• L'arbre-manivelle est supporté dans un bâti monobloc ;
• Les chemises sont humides, l'enveloppe étant constituée par le bâti ;
• Un bloc-pompes à injection latéral dessert les injecteurs qui injectent dans une préchambre de combustion (injection indirecte) ;
• Chaque culasse accueille deux soupapes d'admission et deux soupapes d'échappement. Petite particularité, les soupapes d'échappements sont plus longues que les soupapes d'admission.

Vue en coupe Pielstick PA4-185 H. Source : document Pielstick, modifié.

3. Le moteur Diesel 4 temps Pielstick PA4-185 en Vé

Produit en configurations 8, 12, 16 et 18 cylindres en Vé, il était muni de deux turbo-compresseurs, desservant chacun un côté du Vé. La puissance développée était de110 kW / cylindre. Il vient compléter la version en ligne. Ilest remplacé au début des années 1980 par le modèle PA4-185 VG.

Ce moteur est à injection indirecte et est équipé de préchambres de combustion, dont les brûleurs sont obturés par la forme du piston lorsque ce dernier est en position haute. Cette conception permet la transmission progressive de la pression issue de l'inflammation du combustible dans la préchambre à la surface du piston. Il est ainsi possible de brûler plus de combustible, au prix cependant d'une légère perte de rendement.

Source : document Ganz-Mavag.

On notera le dessin de la bielle, en deux parties, à coupe droite, qui trahit la conception ancienne du moteur.

Mais la principale spécificité de ce modèle, et de ceux qui l'ont suivi, était la structure de son bâti. Il intégrait le carter d'huile et accueillait l'arbre-manivelle. Mais les cylindres, formant enveloppes des chemises humides, étaient rapportées et fixées au bâti au moyen de tirants. Les culasses étaient elle-même fixées aux enveloppes au moyen d'autres tirants.

Moteur Pielstick PA4-185 en Vé. Vue en coupe. Source : document Pielstick.

L'arbre-manivelle était monté en tunnel dans le bâti. Cette conception permet d'obtenir une structure plus rigide, à poids égal, qu'avec un arbre-manivelle suspendu. Elle permet également la dépose de l'arbre-manivelle, et des paliers principaux solidaires, par translation, sans avoir besoin de toucher au bâti et aux fixations du moteur. Cette disposition semble avoir eu un succès particulier pour les moteurs de sous-marin, où la place est comptée. Les moteurs Hedemora qui ont équipé les sous-marins australiens de classe Collins l'ont également adoptée.

Palier d'arbre-manivelle monté en tunnel dans un bâti. Source : document MN, modifié.

4. Le moteur Diesel Pielstick PA4-200

Commercialisé à partir de 1971, ce modèle constitue une extrapolation du modèle PA4-185, dont il reprend l'architecture générale avec un alésage porté à 200 mm. Il a été produit en configuration 8, 12, 16 et 18 cylindres en vé uniquement, développant 129 kW/cylindre. Il est remplacé au début des années 1980 par le modèle PA4-200 VG.

A première vue, la vue en coupe du moteur PA4-200 semble identique à celle du moteur PA4-185. L'architecture générale est complètement similaire. Les dimensions extérieures des deux moteurs, hors organes liés à la suralimentation (on voit bien la taille plus importante des aéroréfrigérants qui « élargissent » le moteur), sont d'ailleurs quasiment identiques.

Moteur Pielstick PA4-200 en Vé, 1971. Vue en coupe. Source : document Pielstick.

Avec un regard plus attentif, on pourra cependant détecter des différences qui n'ont rien d'anecdotiques :

• Les bielles sont à coupe oblique ;
• Les cylindres et enveloppes ont un dessin légèrement différent, en particulier au niveau des chambres de réfrigération supérieures ;
• Et surtout le dessin de la culasse est complètement différent, avec une absence de préchambre et un injecteur à injection directe.

5. Les moteurs Diesel 4 temps Pielstick PA4-185 VG et PA4-200 VG

Les versions VG (pour « chambre de combustion à géométrie variable ») ont remplacé les versions d'origine au début des années 1980, toujours dans les mêmes configurations. Une version dual-fuel (gazole & gaz naturel) a également été développée.

5.1. Caractéristiques du moteur Pielstick 12V PA4-185 VG

5.2. Caractéristiques du moteur Pielstick 12V PA4-200 VG

5.3. Spécificités des versions PA4 VG

Outre l'adoption de la chambre de combustion à géométrie variable, et donc de l'injection indirecte pour toutes les versions, la principale évolution concerne le bâti des versions en Vé. Il intègre désormais tous les cylindres, d'un seul bloc, ainsi que les canalisations d'eau douce. L'arbre-manivelle est toujours monté en tunnel.

Moteur Pielstick PA4-200 V-VG, 1993. Vue en coupe. Source : document Pielstick.

5.4. La chambre de combustion à géométrie variable

Afin de pouvoir profiter au maximum de la suralimentation pour augmenter la puissance, les cylindres sont munis d'une chambre de combustion à géométrie variable. Il s'agit d'une préchambre de combustion inséré dans la culasse, qu'un pointeau métallique inséré dans la tête de piston vient obturer lorsque le piston est au point mort haut. La combustion démarre dans la préchambre et la pression qui en résulte ne s'appuie dans un premier temps que sur la surface réduite du pointeau. Puis lorsque le piston commence à redescendre, la pression et la combustion se répandent progressivement dans l'intégralité de la chambre de combustion. Ce dispositif permet ainsi d'atténuer le choc de la combustion sur l'attelage.

Chambre de combustion Pielstick PA4 à géométrie variable, avec piston à téton. Source : Document MN, modifié.

6. Le moteur PA4-200 VGDS

Le PA4-200 VGDS était muni de deux étages de suralimentation. Il développait 184 kW par cylindre en service continu (Navires de commerce) et jusqu'à 220 kW par cylindre en puissance de pointe (Navires militaires). Il a été présenté en 1978 plus spécifiquement à destination de la marine militaire. Il a en particulier équipé les patrouilleurs P400 de la Marine Nationale. Avec une puissance par cylindre doublée par rapport au modèle originel, sa mécanique était soumise à rude épreuve et il a souffert de divers problèmes affectant sa fiabilité.

Moteur Pielstick PA4-200 VGDS. La double suralimentation est bien visible en haut à gauche. Document Pielstick.

7. Le moteur Diesel Ganz Motor 185-VG-CR

La société hongroise Ganz-Motor a produit et commercialisé sous licence des moteurs Pielstick PA4 à destination du transport ferroviaire depuis les années 1980. A partir de cette base, elle a commercialisé à partir de 2013 sa propre version modernisée de ce moteur, en configurations 6 cylindres en ligne et 8, 12 et 16 cylindres en Vé, développant une puissance de 125 kW / cylindre.

Moteur Diesel Ganz Motor 12V 185-VG-CR. Document Ganz Motor. 

Ce modèle, mettant toujours en œuvre la chambre de combustion à géométrie variable, est équipé d'un système d'injection à rampe commune et d'un régulateur électronique, ainsi qu'optionnellement un dispositif de post-traitement des gaz d'échappement, qui lui permettent de respecter les dernières normes anti-pollution.

8. Le moteur Diesel Pielstick 12V PA4 SMDS

Des versions spécifiques pour la propulsion de sous-marins ont été rapidement développées : PA4 185 SM, PA4 200 SM et PA4 200 SMDS à double suralimentation. Dans les années 1960, les PA4 SM équipent tous les sous-marins de la marine nationale avec un succès reconnu. Aujourd’hui c’est toujours le cas, y compris pour les sous-marins nucléaires d’attaque et lanceurs d’engins. En 1985, le nouveau moteur PA4 SMDS, développé sur la base du PA4-200 VG, fait appel à une suralimentation combinée afin d’augmenter la puissance développée. C'est une version modernisée de ce modèle que MAN continuait, jusque très récemment, à commercialiser sous la dénomination MAN PA4 SMDS.

La double suralimentation « compound »

Pour pouvoir être le plus discret possible lorsqu'il navigue au Schnorchel à immersion périscopique, un sous-marin doit pouvoir rejeter ses gaz d'échappement sous l'eau. Pour cela, ses moteurs doivent munis d'un moto-compresseur entraîné par l'arbre-manivelle. Ce dispositif a pour inconvénient de consommer jusqu'à un tiers de la puissance produite par le moteur, avec une consommation pouvant dépasser les 300 g/kWh ! De plus l'énergie des gaz d'échappement est perdue, y compris lors des phases de navigation en surface.

L'ajout d'un turbo-compresseur en série avec le moto-compresseur permet :

• lors de la navigation au schnorchel, de récupérer une partie de l'énergie des gaz d'échappement et d'augmenter la puissance massique du moteur ;
• lors de la navigation en surface, en désaccouplant le moto-compresseur, d'obtenir une propulsion beaucoup plus économique.
  

Source : document Pielstick.

Conclusion

Plus de 60 ans après la commercialisation des premiers modèles, le moteur Pielstick PA4 continue donc à être fabriqué, en particulier pour des applications ferroviaires et sous-marines. Cela a été rendu possible par de nombreuses innovations successives qui ont permis à ce modèle de s'adapter à l'évolution des besoins.

La dernière version développée par Ganz-Motor dispose encore d'un potentiel d'évolution et il est tout à fait possible que ce moteur continue à être fabriqué pendant encore quelques décennies.

Source: Post LinkedIn du Professeur Larrieu