Grippe Asiatique N° 1
Dame Quinine et « Médecin de Papier »
Nous sommes en 1957, époque d’une navigation « à l’ancienne ».
Le M/V LOUGA (Chargeurs Réunis) sur son voyage retour, a quitté le port de LAGOS et mouille le lendemain sur rade de COTONOU.
Plusieurs membres de l’équipage toussent et sont fiévreux. Le Commandant informe notre Agent de LOME, notre prochaine escale, pour obtenir un avis médical.
Arrivé à LOME, notre Agent nous annonce qu’aucun médecin ne viendra à bord.
Je suis lieutenant chargé de l’infirmerie et je vais avoir pour mission d’aller à terre et me procurer des médicaments.
La rade de LOME est une rade ouverte, avec un ressac important et rejoindre le wharf est une véritable expédition. Après avoir pris place dans « la chaise », le bosco nous affale dans un boat qu’il faut enjamber pour atteindre la vedette avec laquelle, en bout de ponton, il y aura la manœuvre inverse.
Après rencontre d’un pharmacien, je rejoins le bord, via wharf – chaises et boats, avec un lot d’aspirine, de pastilles pour la gorge et des flacons de sirop.
A l’escale d’ABIDJAN, les 3/4 de l’équipage sont affectés et c’est à mon tour d’être sérieusement mal fichu.
On ne parle pas de virus, mais de « Grippe Asiatique ».
Après ABIDJAN, quand « les KROOMANS » débarquent à TABOU : RAS quant à leur état de santé. Ils se sont contentés, comme d’habitude, de demander mon intervention pour « c’est cabinet trop ! » ou « c’est cabinet pas ! » avec comme remèdes : élixir parégorique (très demandé) et à défaut d’huile de ricin, sulfate de soude (beaucoup moins apprécié).
Il est vrai, au sujet de cette grippe et de sa contagion, qu’entre les KROOMANS et l’équipage, les contacts rapprochés sont peu nombreux. (1; 2)
C’est seulement après DAKAR, soit une dizaine de jours après le début de nos ennuis que la plupart de mes malades semble à peu près remis. Pour ma part, ce fut un peu plus long et déjà fragile des bronches, de sévères séquelles (allergies asthmatiques)se sont installées. Je ne sais pas, si par la suite, d’autres membres de l’équipage ont également souffert d’effets secondaires.
De mon expérience personnelle, j’ai retenu 2 réactions importantes :
- L’air froid rend nos poumons plus vulnérables par affaiblissement de la fonction immunitaire.
- L’air sec rend à son tour notre organisme plus vulnérable aux infections respiratoires : pneumonie -SRAS – etc.
- L’air chaud peut être considéré comme un premier frein aux infections respiratoires.
Exemple, en relation avec les conditions climatiques, à bord du FOUCAULD et sur plusieurs voyages -BORDEAUX / POINTE NOIRE :
- « Southbound » mes crises d’asthme cessaient brutalement entre les CANARIES et DAKAR (suivant les saisons).
- « Northbound » ces mêmes crises reprenaient tout aussi brutalement entre les CANARIES et la latitude de GIBRALTAR.
De cette épidémie vécue à bord du cargo « LOUGA » en 1957, on note que le navire est à la fois un lieu de confinement obligé et un foyer de contagion rapide
(voir aujourd’hui les paquebots de croisières, la Marine Nationale etc.)
QUININE ou médicament dérivé
Si mes souvenirs sont bons, il n’en a pas été question pendant cette grippe dite « asiatique ». Il était recommandé d’en prendre, plutôt à titre préventif plusieurs jours avant d’atteindre des zones infectées c.a.d. les moustiques en général en supposant que des femelles anophèles soient de la partie.
Extraits du MÉDECIN de PAPIER du Docteur A.J MONNIER Edition 1948.
« Il est prévu dans le local infirmerie des cargos, un coffre B avec :
- Chlorhydrate de quinine en comprimés de 0gr25-tubes de 20gr. 40
Indications : Préventif et curatif de tous les accès de paludisme.
Doses :
- Préventives 0gr25 ou0gr50 au repas du soir et pendant le séjour du navire dans le port réputé infecté.
- Curatives 1gr.ou 1gr50 pris immédiatement après les forts accès, puis 2gr. par jour en 2 prises pendant5 jours…/…
Le malade sera mis à la diète avec des boissons chaudes …/…
La quinine peut se donner en injections intra musculaires dans les cas graves …/…
Tout homme ayant fait à bord une crise de paludisme, sera débarqué à l’arrivée et envoyé à l’hôpital » …/…
En attendant d’en savoir plus, mon témoignage n’associe pas l’action immunitaire des médicaments dérivés de la quinine avec la grippe « asiatique » de 1957.
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1. TABOU : Port du Pays de KROO – province de CÔTE d’IVOIRE
2. KROOMANS : habitants de la région de TABOU embarqués au voyage au nombre de 70 pour exercer la fonction de docker entre POINTE- NOIRE & ABIDJAN.
Jean Claude MAUR
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