Parenthèse de confinement
Comme vous avez pu le lire dans le dernier numéro de Marine Marchande Informations (MMI n°230), j'ai quitté la Terre-Adélie depuis fin janvier et suis rentrée en France le 7 Mars dernier.
Le retour d'hivernage n'est jamais facile (mais chaque chose en son temps, je vous parlerai de cela plus longuement dans le dernier article de cette chronique), mais le mien tout comme celui des autres membres de la mission TA69 est unique en son genre : revenir en Métropole et se retrouver confiné c'est une première !
Le confinement n'est simple pour personne, et encore moins pour ceux n'ayant aucune expérience préalable. En tant que marins, nous sommes amenés à vivre confiné durant les embarquements.
Et l'on me dit aussi régulièrement au téléphone ces derniers temps : « ça va toi tu es habituée, le confinement ne doit pas être trop dur à vivre pour toi après l'Antarctique ». Cela peut paraître étrange, mais j'ai l'impression d'avoir eu plus de liberté à DDU qu'aujourd'hui en France. Je n'avais pas cette sensation d'enfermement que nous ressentons, je crois, tous aujourd'hui. Du moins pas en temps ordinaire… Les seuls moments où j'ai eu le sentiment de confinement là-bas ont été lors de période de mauvais temps plutôt longues ou durant mes quarts de jour à la Centrale que je décrivais comme moments « d'emprisonnement » car mes déplacements étaient alors très limités.
Le reste du temps, j'avais un sentiment de liberté assez formidable. Nous avions la possibilité de nous déplacer librement sur l'ensemble de l'île et également sur la banquise, en respectant les consignes de sécurité qui s'imposaient.
Mais je retrouve aussi des choses qui me rappellent l'hivernage durant cette période de confinement. La routine qui s'installe où tous les jours se ressemblent, remplir une attestation pour sortir (la feuille de manip' pour les sorties sur banquise), le manque de rencontres, un univers de vie restreint… Et pour tout cela, mon expérience à DDU m'aide certainement à mieux vivre cette période si particulière. Comment ?
Tout d'abord en ayant acquis la capacité à établir un rythme de vie. Je me suis aperçue de cette aptitude en discutant avec ma sœur dernièrement. Nous sommes habitués à vivre suivant un rythme bien établi, « métro-boulot-dodo » comme on dit, et celui-ci est entièrement remis en cause avec le confinement. Avoir un rythme régulier apaise. Pour moi, cela est particulièrement vrai en tout cas. Je m'impose donc une petite séance de sport au réveil, suivie d'un petit-déjeuner avant de me laver et habiller. Ensuite je m'occupe de différentes manières jusqu'au déjeuner que je maintiens à une heure fixe tout comme le dîner et l'activité du soir avant le coucher, lui aussi à heure fixe. Cela me permet ainsi de garder bon appétit et de me lever sans l'assistance d'un réveil à une heure régulière chaque jour. Je me rends compte aujourd'hui que c'est une stratégie que j'avais appliquée inconsciemment durant l'hivernage.
Une autre capacité que j'ai acquise durant l'hiver est celle de trouver des activités variées pour m'occuper, essentiellement manuelles. En effet, il est d'usage à DDU de fabriquer soi-même les cadeaux pour les diverses fêtes et anniversaires. Cela demande parfois d'énormes temps de réflexion et d'imagination pour trouver l'idée d'un cadeau original et personnalisé. Et cela m'est extrêmement utile ces derniers temps pour trouver à m'occuper chez moi, peut-être même un peu trop car je croule sous les idées !
Le dernier élément, et peut-être le plus important, est de garder le contact avec ses proches malgré l'éloignement physique. Et ça je peux vous assurer que c'est nettement plus simple en France qu'en Terre-Adélie. Là-bas, nous n'avions à disposition que les mails, Facebook mobile lorsque la connexion web n'était pas saturée, et le téléphone. Mais il fallait jouer avec le décalage horaire qui était de 9 à 10 heures avec la France. Ici il y a une multitude de moyens de communication : téléphone, visioconférence, SMS, mails, Facebook, WhatsApp et bien d'autres encore !
En définitive, le confinement n'est pas trop difficile à vivre actuellement pour moi. Il a même un aspect rassurant car il m'évite d'affronter le rythme effréné de notre société qui est peut être assez violent en sortie d'hivernage.
Cependant ce qui est dur, et l'a été pour tous je pense, c'est la brutalité à laquelle il nous est tombé dessus. Pour ma part je ne m'y attendais pas du tout ! Les deux derniers mois en Antarctique ont été très prenants et je n'ai pas pris le temps de suivre l'actualité. Je n'ai pas non plus pris ce temps lors de ma période de congés en février et début mars. La réalité est donc tombée d'un coup à mon retour en France. Je ne savais pas qu'une pandémie survenait dans le pays et dans le reste du monde, que certains pays avaient mis en place un confinement, … En retrouvant mes proches, j'entendais à chaque fois « je ne te fais pas la bise, tu sais avec le Coronavirus ... » mais je ne comprenais pas. Pour mon retour en France, j'avais imaginé revoir un maximum la famille et les amis après ces 15 mois d'absence, puis trouver un embarquement. Ces rêves se sont envolés en quelques jours…
J'ai alors choisi de continuer à appliquer ici la doctrine apprise et mise en œuvre pendant plus d'un an à DDU : « en Antarctique, pas de pronostic ! ». Et c'est également quelque chose que tout marin connaît : s'adapter en toute circonstance. Le confinement en fait partie !
Maëlle Giraud - seconde mécanicienne base DDU
Commentaires0
Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire
Articles suggérés