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RÉUNION DE LA COMMISSION TRIPARTITE SPÉCIALE, CONVENTION DU TRAVAIL MARITIME DE 2006 DE L’OIT – 5-13 MAI 2022

Observatoire des Droits des Marins (ODM)

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23/05/2022



La Commission tripartite spéciale, créée par la Convention du Travail Maritime de 2006 de l’OIT (marine marchande), s’est réunie en deux temps pour sa 4ème réunion : d’une part à distance du 19 au 23 avril 2021, puis sous format hybride, mêlant présentiel et distantiel du 5 au 13 mai 2022. Cette session était particulièrement importante, dans la mesure où elle intervenait dans le cours de la pandémie de Covid 19, période exceptionnelle, qui en 2020 et 2021 a servi de révélateur à un certain nombre de limites de la Convention, quand les liaisons terrestres et aériennes ont été fermées par les Etats, rendant impossible ou très compliquée les relèves d’équipage, imposant de longues périodes d’embarquement, sans aucune descente à terre possible en escale.

 

La Commission tripartie spéciale a adopté huit amendements à la Convention du travail maritime (MLC 2006) pour améliorer les conditions de vie et de travail des gens de mer.  Plus de 500 délégués participant à la deuxième partie de la réunion tripartite spéciale de la MLC, 2006, se sont réunis en format hybride du 5 au 13 mai 2022.

Les amendements dont ils sont convenus permettront de garantir que :

  • les gens de mer disposent d'un équipement de protection individuelle de taille appropriée, notamment pour convenir au nombre croissant de femmes marins ;
  • de l'eau potable de bonne qualité soit disponible gratuitement pour les gens de mer ;
  • les États facilitent davantage le rapatriement rapide des gens de mer abandonnés ;
  • les États fournissent des soins médicaux aux gens de mer qui ont besoin d'une assistance immédiate et facilitent le rapatriement des restes des gens de mer décédés à bord ;
  • les armateurs fournissent aux gens de mer une connectivité sociale appropriée et les États offrent un accès à Internet dans leurs ports ;  
  • les gens de mer sont informés de leurs droits relatifs à l'obligation des services de recrutement et de placement d'indemniser les gens de mer pour les pertes monétaires ; et
  • tous les décès de gens de mer sont enregistrés et signalés annuellement à l'OIT et les données pertinentes sont publiées.


Ces amendements ont été adoptés avec le soutien des armateurs, des organisations de marins et des gouvernements, un nombre infime d’abstentions. La plupart de ces amendements étaient présentés conjointement par les groupes des armateurs et de organisations de marins. Celui concernant les communications, une connectivité sociale appropriée, était présenté par le groupe des gens de mer, syndicats de marins.

Les amendements seront présentés pour approbation à la prochaine session de la Conférence internationale du Travail, qui se tiendra en mai et juin 2022. S'ils sont approuvés, ils devraient entrer en vigueur en décembre 2024.


En plus des amendements, le Comité tripartite spécial a adopté un certain nombre de résolutions liées aux brimades et au harcèlement des gens de mer, y compris les agressions et le harcèlement sexuels ; au système de sécurité financière pour protéger les gens de mer en cas d'abandon et à la nécessité d'adopter des mesures pour garantir que tous les gens de mer disposent de moyens de recours contractuels adéquats contre les armateurs.

 

Plusieurs propositions d’amendements n’ont pas été retenues, dont la durée maximale d’embarquement des gens de mer. Le groupe des gens de mer souhaitait que l’armateur, qui n’est pas l’employeur du marin, en raison d’un recours à une société de manning employeur, avec mise à disposition du marin, à l’instar du travail temporaire, indemnise le marin de ses dommages, si l’employeur ne respecte pas ses obligations (Proposition n° 7). Il s’agissait d’établir une co-responsabilité, une responsabilité in solidum, inconnue du droit anglophone. Les armateurs s’y sont opposés, ainsi que l’essentiel des gouvernements. De même, l’extension de la garantie financière de quatre mois, à huit mois a été refusée (proposition n° 10). Le gouvernement de la Norvège indique que, étant donné que la proposition porte sur des polices d’assurance, l’avis des clubs de protection et d’indemnisation est nécessaire avant toute décision sur cette proposition d’amendement.

 

La proposition n° 12 concernait la clarification de la durée maximale d’embarquement des gens de mer. Elle était présentée par les gouvernements de l’Union Européenne (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède) et l’Australie.

La pandémie de COVID-19 a eu des effets dévastateurs dans le monde entier, en particulier
sur les changements d’équipage. De nombreux gens de mer se sont vus privés du droit d’être
rapatriés après onze mois passés à bord, et des cas d’épuisement physique et mental, d’anxiété,
de maladie, voire de suicide, ont été signalés. La MLC, 2006, prévoit actuellement un droit au rapatriement des gens de mer lorsque la durée maximale des périodes d’embarquement est atteinte, étant entendu que ces périodes doivent être inférieures à douze mois (norme A2.5.1, paragraphe 2 b). La durée maximale par défaut de onze mois n’est pas expressément mentionnée dans la convention, mais découle d’une interprétation constante de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations. Un marin peut choisir de ne pas exercer son droit au rapatriement lorsque celui-ci prend naissance (sauf si la loi de l’État du pavillon le lui interdit) et rester à bord plus de onze mois[1]. Les États du pavillon accordent de larges exceptions permettant de renoncer au congé
annuel et de rester à bord plus de onze mois, sur la base du § 3 de la norme A2.4. La durée maximale des périodes d’embarquement ne compte pas parmi les éléments soumis à l’inspection de l’État du pavillon avant la certification d’un navire (annexe A5-I) ni à celle de l’État du port (annexe A5-III).

 

Les clarifications proposées n’ont pas été retenues. Les armateurs européens n’ont pas approuvé cette proposition, car la convention STCW de l’OMI impose des navigations de 12 mois pour la validation de certains brevets. « Les gouvernements de l’Ethiopie, de la Nouvelle-Zélande et de la Norvège estiment que la proposition doit être évaluée à la lumière de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, telle que modifiée (STCW) et qu’il convient de tenir particulièrement compte de la situation des élèves des métiers et professions maritimes. Le gouvernement de la Norvège indique que la proposition codifierait l’observation générale que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a adoptée en 2020 à ce propos et serait bénéfique tant pour le bien-être des gens de mer que pour la sécurité des navires. Toutefois, les armateurs ne devraient pas être tenus responsables d’éléments qui échappent à leur contrôle, comme cela a souvent été le cas dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ».


Une analyse un peu plus détaillée est disponible dans les Actualités de l'Observatoire.

[1] BIT, Convention du travail maritime, 2006 (MLC, 2006) telle qu’amendée – Questions fréquentes, Département des normes internationales du travail, cinquième édition (2019), C2.5.1.g.




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