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PROJET DE BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL/MALADIES PROFESSIONNELLES AU SEIN DE L’ENIM.

Observatoire des Droits des Marins (ODM)

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14/07/2021


Dans les Actualités de l’Observatoire, un texte de 6 pages a été mis en ligne concernant 

le projet de branche ATMP au sein de l’ENIM.        

 http://www.obs-droits-marins.fr/actualites.html?idArticle=601 

Ci-dessous une brève présentation.

Une branche ATMP en vue à l’ENIM ?

 

Patrick CHAUMETTE

Professeur émérite de l’université de Nantes


La pêche est un secteur professionnel dangereux, avec plus d’accidents mortels qu’ailleurs. La prévention des risques professionnels est importante, à travers la réglementation des navires, les visites médicales, réalisées par le service de santé des gens de mer[1]. La profession de marin est une profession réglementée, encadrée par l’administration. Le travail est intensif, d’une longue durée (« A la pêche, le poisson commande ») et la rémunération à la part de pêche, ou l’intéressement aux capture, n’incitent pas à la prévention. L’employeur est soumis à une obligation générale de prévention et les contrôles administratifs interviennent, dans le cadre d’une réglementation complexe, de la part à la fois des affaires maritimes et des centres de sécurité des navires et de l’inspection du travail[2]. Les autres activités maritimes, plaisance ou commerce, présentent moins de risques de naufrage et d’accidents mortels, mais ne sont pas sans risques.

 

En France, 15 184 marins travaillent à la pêche en 2019, pour 14 048 au commerce, 4 753 aux cultures marines, 2 133 à la plaisance professionnelle et 2 250 dans les services portuaires (total 38 368). A la pêche l’essentiel des accidents intervient en mer (929 accidents sur le total de 1 887)[3]. La survenue d’accidents du travail reste élevée dans les secteurs de la pêche (avec un indice de fréquence de 52 accidents du travail maritime, ATM, pour 1 000 marins) et du commerce (avec un indice de 42 ATM pour 1 000 marins). Cependant, dans ces deux secteurs, le nombre d’accidents du travail baisse de manière significative[4]. Compte tenu des activités maritimes saisonnières, en vue d’une comparaison, il faut retenir un indice de fréquence de 73 pour la pêche et de 60 pour la marine marchande, pour 1 000 salariés à temps plein. Pour les salariés terrestres du secteur des transports, de l’eau, du gaz et de l’électricité, l’indice de fréquence est de 46,4 accidents du travail pour 1 000 salariés, et cet indice est de 34,5 AT pour 1 000 salariés pour l’ensemble des salariés des secteurs terrestres. 186 maladies professionnelles ont été reconnues  en 2019, et ont donné lieu à un premier règlement de prestations par le régime spécial de sécurité sociale des marins, l’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM). La  prédominance des pathologies est en relation avec l’amiante (34) et des troubles musculo-squelettiques (111), en raison de la sollicitation importante des membres.

 

En 1992, l’Institut Maritime de Prévention (IMP)[5] a été créé sous l’égide du Ministère chargé de la mer, de l’Etablissement National des Invalides de la Marine (ENIM), le régime spécial de sécurité social des marins[6]. L’IMP est un organisme national à but non lucratif, qui assure une mission de prévention des risques professionnels maritimes et d'amélioration des conditions de vie et de travail au profit des gens de mer. Les partenaires sociaux participent à son conseil d’administration. Son siège social se trouve à Lorient. Si la protection de la santé et de la sécurité des marins incombe à l’armateur, au patron ou au capitaine, elle relève aussi de la responsabilité de chacun à bord. L’ENIM, régime de sécurité sociale des marins, n’était pas chargé de veiller au développement de la prévention des risques professionnels par le décret n° 53-953 du 30 septembre 1953. Ce rôle lui a été attribué par le décret n° 99-552 du 30 juin 1999, ce qui étend ses attributions[7]. Pour sensibiliser aux risques en mer, l’ENIM réalise ainsi des campagnes de prévention et édite des supports d’information sur les dangers encourus.

 

La responsabilisation des employeurs passe par la reconnaissance et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP), par la prise en charge par l’armateur d’un mois de soins, salaire et du rapatriement. Au sein du régime spécial des marins, le recours en faute inexcusable contre l’armateur est possible de nouveau depuis 2011. Les patrons pêcheurs peuvent s’assurer des conséquences d’une telle reconnaissance. Une nouvelle branche ATMP est en projet ; une cotisation patronale « virtuelle » semble prévue. Cette innovation est-elle susceptible de renforcer la prévention ? La prise en charge armatoriale représente 2,5 millions d’euros par année, quand les prestations accident du travail – maladie professionnelle coûtent 57 millions à l’ENIM, mais sont financés par le Régime général de sécurité sociale des travailleurs salariés (RGSSTS), et non par la filière maritime. Cette mutualisation est critiquée, car peu incitative à une meilleure prévention ; mais est-il envisageable de transférer un tel coût ?

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[1] P. CHAUMETTE, « De la prévention à la pêche maritime - Protéger les marins autant que la ressource halieutique ? », Rev. Française des Affaires Sociales, RFAS, Paris, n° 2-3, Santé et travail : connaissances et reconnaissances, 2008, pp. 323-339.

[2] P. CHAUMETTE, « Les risques professionnels à la pêche : prévention et responsabilisation », Colloque de Vigo, 1er et 2 juillet 2021, Los desafíos de la pesca sostenible - Les défis de la pêche durable, Marcial Pons Ed., Madrid, (à paraître).

[3] M. CHARVET, F. LAURIOUX & G. LAZUECH, « Quand la pénibilité du travail débarque. Les temps des pêcheurs et de leurs conjointes », Revue Travail et Emploi, n°147, « Quand la pénibilité du travail s’invite à la maison », La Documentation Française, 2016-3http://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2016-3.htm - J. GIL PLANA, “La jornada de trabajo en el mar”, In El trabajo en el mar : los nuevos escenarios jurídico-marítimos, J. CABEZA PEREIRO & E. RODRIGUEZ RODRIGUEZ (Coord.), Ed. Bomarzo, Albacete, España, 2015, pp. 433- 444.

[4] Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes- Bilan 2019, Ministère de la Mer, Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, Direction des affaires maritimes
, Service de santé des gens de mer.

[5] Institut maritime de Prévention, www.institutmaritimedeprevention.fr

[6] ENIM, le régime social des marins, www.enim.eu

[7] Décret n° 99-552, 30 juin 1999 modifiant le décret n° 53- 953 du 30 septembre 1953 relatif à l’organisation administrative et financière de l’Établissement national des invalides de la marine, JORF 3 juillet, p. 9894 -  J.Fr. JOUFFRAY, « Le régime de sécurité sociale des marins et la prévention des risques professionnels », in La prévention des risques professionnels à la pêche, Journées 2005 de l’Observatoire des Droits des Marins, Maison des sciences de l’Homme Ange Guépin, Nantes, mars 2005, p. 107. 

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Merci à Xavier LE HERICY et François JOUANNET pour la transmission de ce document.


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